Abécédaire Sarah Vaughan
Depuis son fameux concours inaugural (A comme Appolo Theater) en 1942 à Harlem jusqu'à ses albums brésiliens (R comme Rio), en passant par ses rencontres avec Billy Eckstine (M comme Mister B.), Quincy Jones (Q comme Quincy), ou encore Michel Legrand (P comme Parapluies de Cherbourg), voici les épisodes les plus marquants du parcours de Sarah Vaughan qui ont été relayés cette semaine sur notre antenne, ainsi que sur nos pages Facebook et Instagram.
A comme Apollo Theater. Il y a foule en ce mercredi d'automne 1942 à l'Apollo Theater, au cœur d'Harlem, où se déroule un concours de musique amateur assez réputé. Encouragée par des amis qui connaissent ses talents de musicienne, Sarah Vaughan s'est décidée à concourir même si sa mère, Adda, qui a contribué à sa formation musicale et qui est blanchisseuse à Newark, dans la banlieue de New-York, redoute l'ambiance quelque peu dissolue, dit-on, du côté de Harlem. Et pourtant, Sarah Vaughan triomphe devant un public exigeant en chantant Body & Soul. Elle remporte ainsi le prix d'un montant de 10 dollars, et surtout un engagement un peu plus tard dans l'orchestre de l'Apollo en première partie d'une certaine... Ella Fitzgerald, qui avait elle aussi remporté ce même concours de l'Apollo Theater quelques huit ans auparavant.
B comme Black-out. Alors que sa performance de 1942 au concours pour amateurs de l'Apollo d'Harlem lui ouvrait une voie royale, les tous débuts de Sarah Vaughan ont fait l'objet d'un véritable black-out, et pour cause... Alors que le pianiste Earl Hines venait de l'engager dans son orchestre aux côtés de Dizzy Gillespie et Charlie Parker, la musique de cette formation n'a jamais pu se transmettre sur le plan discographique en raison d'un conflit assez sévère, de 1942 à 1944, entre le syndicat des musiciens et celui des disquaires... Et le syndicat des musiciens a répondu par la grève pure et simple des studios. Il n'y a donc aucun témoignage en cabine de cet orchestre. C'est seulement après la fin de cette grève en 1944, et dans le big band de Billy Eckstine, que la voix de Sarah Vaughan pourra enfin être enregistrée.
C comme Clifford Brown. C'était l'un de ses albums préférés. Le 18 décembre 1954, Sarah Vaughan signe une session historique avec le jeune trompettiste Clifford Brown qui se tuera un an et demi plus tard dans un accident de la route. La chanteuse venait alors de signer chez Mercury et sa division jazz, Emarcy, tandis que Clifford Brown enchaînait une série d'enregistrements avec de grandes chanteuses. Après Dinah Washington et avant Helen Merrill, il est vraiment au top aux côtés de Sarah Vaughan, à l'instar d'une version d'anthologie de Lullaby of Birdland , la composition de George Shearing, arrangée et orchestrée par Ernie Wilkins avec notamment Roy Haynes à la batterie, Paul Quinichette au ténor et Herbie Mann à la flûte.
D comme Dualité. Dualité ou double jeu ? Très vite, Sarah Vaughan a adopté un mode de fonctionnement binaire: d'un côté, les enregistrements pour le grand public, et de l'autre, des enregistrements pour elle et son plaisir de musicienne de jazz. C'est surtout le label Columbia qui va exploiter à partir de la fin des années 40 cette facette glamour et pop star de celle qu'on surnomme Sassy, mais on trouve aussi, sur le même label, des enregistrements avec d'authentiques jazzmen, à l'instar de ce All Stars de 1950 où figure un certain Miles Davis. Même dualité en 1954 quand elle signe pour Mercury et sa division jazz, Emarcy. "Mon contrat pour Mercury, c'est pour la chanson populaire, dira-t-elle, Emarcy, c'est pour moi". Pari gagnant, même si le succès est un peu moins au rendez-vous à partir du début des années 60.
E comme Ella Fitzgerald. Quand elle est engagée en 1ère partie d'Ella Fitzgerald à l'Apollo Theater, quelques mois avoir remporté le fameux concours de musique amateur, Sarah Vaughan est sensible aux recommandations de son aînée qui lui conseille d'attendre un peu avant de se lier par contrat à l'un des nombreux agents qui rodent désormais autour d'elle. Ceci étant, il n'y a pas que des agents qui stationnent à l'Apollo à cette époque. Les deux premiers employeurs de Sarah Vaughan, Earl Hines et Billy Eckstine sont également là... Quant à Ella Fitzgerald, elle retrouvera sa cadette des décennies plus tard à travers un bref duo sur l'album de Quincy Jones, Back on the Block, en 1989, notamment autour d'un réarrangement du célèbre morceau de Joe Zawinul, Birdland. Ce sera le dernier enregistrement de Sarah Vaughan, qui disparaît un an plus tard.
F comme Féminisme. Sarah Vaughan a été au cœur de deux biographies aux Etats-Unis, dont l'une, parue en 2018 sous le titre Queen of Bebop: The musical Lives of Sarah Vaughan, a privilégié une lecture résolument féministe, et plus précisément Black Feminism, du parcours de la chanteuse. D'après l'historienne Elain M. Hayes, celle qu'on surnommait Sassy aura été une pionnière du "crossover", déjouant sans cesse, en passant d'un genre à l'autre, les stéréotypes de genre ou de couleur suscités par une voix féminine noire tout en subissant, notamment dans sa vie conjugale, les affres du patriarcat. Aspirant dans le même temps au respect qu'on témoigne envers les grandes cantatrices d'opéra, Sarah Vaughan aura ainsi été une chanteuse très politique, même si elle ne s'est jamais engagée publiquement pour telle ou telle cause.
G comme George Treadwell. C'est en septembre 1946 que Sarah Vaughan épouse le trompettiste George Treadwell qui l'accompagnait au Café Society et qui devient bientôt son manager et directeur musical. C'est lui qui arrache Sarah Vaughan au be-bop pour la transformer en diva. Cours de diction, robes de scène, nouvelle dentition... Ainsi remodelée au regard des stéréotypes de l'époque, Sassy signe ses premiers succès sur le label Musicraft, comme par exemple It's Magic ou encore Tenderly. Dès la fin des années 40, et grâce à George Treadwell avec lequel elle sera en couple jusqu'à la fin des années 50, la chanteuse a changé de braquet. Plus aucun club new-yorkais n'a les moyens de se l'offrir, contrairement au label Columbia Records qui lui offre, toujours par l'intermédiaire de George Treadwell, un contrat en or en 1949.
H comme Héritières. L'œuvre de Sarah Vaughan a si bien résisté à l'érosion du temps qu'elle a inspiré d'autres voix, à l'instar de la chanteuse Dianne Reeves qui, en 2001, consacrait tout un album à Sarah Vaughan sous le titre The Calling. Dans un tout autre registre, Amy Winehouse idolâtrait Sarah Vaughan, la citant nommément dans l'une de ses chansons, October Song, avant de reprendre sa version de Lullaby of Birdland. Cécile McLorin-Salvant a souvent également cité Sarah Vaughan parmi ses influences, tout comme Samara Joy, aussi mutine, joyeuse et sincère dans son rapport à la mélodie que son illustre devancière.
I comme I'll Wait and Pray. C'est le premier enregistrement de Sarah Vaughan, mais pas sous son nom. C'est en effet pour l'orchestre de Billy Eckstine qu'elle grave le 5 décembre 1944 I'll Wait and Pray, une ballade que John Coltrane revisitera également en 1960. Immédiatement séduit par cette performance alors qu'elle n'a que 19 ans, le critique et producteur Leonard Feather demande alors à Sarah Vaughan d'enregistrer, le 31 décembre de la même année, quatre autres morceaux mais cette fois-ci sous son nom, parmi lesquels East of The Sun ainsi qu'Interlude, une version vocale de A Night in Tunisia signée Dizzy Gillespie, qui accompagne la chanteuse.
J comme John Malachi. Le pianiste John Malachi, qu'elle a connu dès ses débuts, va accompagner Sarah Vaughan de 1952 à 1954. C'est à lui qu'elle doit son diminutif, Sassy, qui signifie impertinente en français. Bel hommage à son indépendance d'esprit, mais aussi réminiscence, peut-être, d'un épisode plus trivial lors d'une tournée. Alors que Sarah Vaughan et John Malachi s'empressaient de ne pas rater un train en gare de Washington, le pianiste aurait voulu jouer les galants en tenant une porte ouverte pour que sa partenaire puisse passer, ce qui aurait fortement déplu à Sarah Vaughan,: "Pourquoi es-tu là à me regarder, idiot ?" lui aurait-elle répondu... C'est un DJ renommé de Chicago, Dave Garroway,qui a donné pour sa part à la chanteuse son autre surnom: La Divine.
K comme Kafkaïen. Difficile de qualifier autrement le passage de Sarah Vaughan chez Roulette Records entre 1960 et 1963 après plusieurs années chez Mercury. Kafkaïen, en effet, le fonctionnement de cette maison de disque qui réussit l'exploit de ne pas verser une once de royalties à la chanteuse. Gestion opaque, réseau de distribution déficient... Même si Sarah Vaughan y signe de beaux enregistrements, notamment avec les orchestres de Count Basie, Gerald Wilson ou encore Lalo Schifrin, il est plus que temps pour elle de quitter le navire. Ce sera chose faite grâce à Quincy Jones qui organise son retour chez Mercury où il avait déjà orchestré certaines de ses sessions. Quant au patron de Roulette, Morris Levy, le FBI parviendra à le faire tomber à la fin des années 80 alors que ses liens avec la mafia étaient notoirement connus.
L comme Lester Young. Alors même que l'odyssée du jazz l'a d'abord associé à Billie Holiday, le légendaire saxophoniste Lester Young a également accompagné Sarah Vaughan. C'était le 8 novembre 1947, sur la scène new-yorkaise du Town Hall. Lester Young se produisait alors au sein d'un sextet où figurait le tout jeune batteur Roy Haynes. Sarah Vaughan, quant à elle, interprétait son propre répertoire avant de retrouver Lester Young sur I Cried for you, un thème peu formaté que le saxophoniste jouait déjà avec Billie Holiday quelques années auparavant et qui tranche avec les ballades chantées à la même époque par Sarah Vaughan.
M comme Mister B. Surnommée Mister B., le chanteur noir américain Billy Eckstine a été l'un des employeurs phares de Sarah Vaughan. C'est lui qui, après l'avoir côtoyé dans la formation du pianiste Earl Hines, l'entraîne dans la révolution du be-bop à partir de 1944 en la recrutant dans son propre orchestre où figurent également Charlie Parker et Dizzy Gillespie, déjà présents chez Earl Hines. La chanteuse prend en même temps ses distances avec les acrobaties du be-bop. Chez "Mister B.", elle apprécie surtout le chanteur au baryton de velours qui l'initie à la ballade. Sarah Vaughan ne s'attarde pas bien longtemps dans cet orchestre, mais elle restera très proche d'Eckstine, et elle a fréquemment enregistré avec lui.
N Comme Newark. Sarah Vaughan est née à Newark, une cité ouvrière de la banlieue de New York qui s'est avérée être un creuset pour les cultures africaine-américaine et juive, y compris dans leurs croisements. C'est dans cette ville où est également né l'écrivain Philip Roth qu'elle va connaître ses premières expériences musicales à l'église baptiste Mount Zion où elle joue d'abord du piano et de l'orgue avant de chanter dans la chorale. Sa mère, Adda, rêvait d'en faire une soliste du répertoire classique. Sarah Vaughan a également fréquenté la Newark Arts High School dont quelques diplômés notables ont pour noms Wayne Shorter et Woody Shaw, et elle a fait ses débuts à la Taverne Alcazar, dans une rue rebaptisée depuis avenue Mohamed Ali, du nom du célèbre boxeur africain-américain.
O comme Octaves. Sarah Vaughan, c'est une voix, ou plutôt des voix... Son timbre naturel profond et chaleureux, mais aussi la tessiture opératique aux trois octaves qui le caractérise, lui permettent de jouer sur une multitude de tempos et de tonalités: elle peut soudain s'envoler dans les aigus au milieu d'une phrase et jouer la jeune fille charmante avec un zeste d'ironie avant de revenir à un timbre plus grave, façon contralto, comme ce sera surtout le cas dans la seconde partie de sa carrière. Elle est aussi capable de se contenir subtilement, privilégiant un vibrato aussi sobre que particulièrement poignant, comme dans sa célèbre version de Lover Man avec l'orchestre de Dizzy Gillespie en 1945. De fait, Sarah Vaughan aura fait de son timbre un véritable matériau sonore au service de l'improvisation.
P comme Parapluies de Cherbourg. Du célèbre film de Jacques Demy et de sa non moins célèbre B.O. signée Michel Legrand, Sarah Vaughan n'allait pas manquer de reprendre le grand standard, Watch What Happens, adapté du Récit de Cassard dans Les Parapluies de Cherbourg. La chanson ne figure pas, pourtant, dans la première collaboration en 1972 entre Sarah Vaughan et Michel Legrand. On la retrouve en revanche un an plus tard dans un Live in Japan d'anthologie. Pour la petite histoire, le premier contact en 1962 entre la chanteuse et le compositeur fut assez gratiné, Legrand n'hésitant pas à balancer par la fenêtre d'une voiture un peu de marijuana que la chanteuse lui tendait en toute complicité. Après la réconciliation, Michel Legrand écrira dans son autobiographie: "L'affaire du joint est bel et bien oubliée, c'était un pétard mouillé ".
Q comme Quincy Jones. C'est à Paris, en 1958, que Sarah Vaughan fait la rencontre de Quincy Jones, qui a étudié l'orchestration classique auprès de Nadia Boulanger avant de rejoindre comme arrangeur en chef Eddie Barclay, le correspondant en France de Mercury. C'est à ce titre que le trompettiste va diriger une session toute en jazz et en cordes autour de Sarah Vaughan. Ces séances, qui donnent naissance à l'album Vaughan & Violons, intègrent aussi le ténor Zoot Sims, les contrebassistes Richard Davis et Pierre Michelot, ainsi que le batteur Kenny Clarke. C'est à cette occasion que Sarah Vaughan signe une version vocale du Misty d'Errol Garner qui deviendra un classique de son répertoire. Quincy Jones, encore lui, la fera revenir chez Mercury après une brève parenthèse sur le label Roulette, avec à la clé le fameux live de 1963 au Tivoli de Copenhague.
R comme Rio. Sarah Vaughan a eu un véritable coup de foudre pour le Brésil. C'est lors de sa troisième tournée dans ce pays, en 1977, que le cinéaste Thomas Guy la suit pour le documentaire Listen to the Sun. Devant sa caméra, elle affirme que "Rio est le plus bel endroit qu'elle pense avoir jamais visité sur terre." Le label Atlantic refuse pourtant de produire un album brésilien qu'elle a notamment enregistré avec Milton Nascimento, Dorival Caymmi et Antonio Carlos Jobim. I Love Brazil ! sortira finalement sur Pablo, le nouveau label de Norman Granz, qui a notamment dirigé la carrière d'Ella Fitzgerald. Sarah Vaughan signera par la suite deux autres disques brésiliens, Copacabana en 1977 et Brazilian Romance en 1987, son ultime album sous son nom, même si elle a ensuite contribué à Back on the Block, de Quincy Jones.
S comme Sassy Swings the Tivoli. "Je ne l'ai jamais vu aussi libre et joyeuse", dira Quincy Jones, producteur pour le label Mercury de cet album live qui a marqué une sorte de quintessence pour Sarah Vaughan à l'orée de la quarantaine. Sassy Swings the Tivoli reprend les concerts qu'a donnés Sarah Vaughan pendant quatre jours, en juillet 1963, dans les jardins du Tivoli, à Copenhague. Est-ce la beauté des lieux qui l'inspire ? Devant le public danois, la chanteuse est à la fois radieuse et ensorcelante, elle alterne les tempos, scatte à merveille, plaisante avec son public et ses musiciens: Kirk Stuart au piano, Charles Williams à la contrebasse, George Hugues à la batterie. Comme l'a écrit le journaliste de jazz Pierre de Chocqueuse, après un tel concert, les nuits de Copenhague ne seront plus tout à fait les mêmes.
T comme Tenderly. Comme le disait autrefois notre ami Bruno Guermonprez dans l'émission 59, Quai des Archives sur TSFJAZZ, la ballade aura toujours été le ""pré carré" de Sarah Vaughan. Elle a ainsi été en 1947 la première interprète de Tenderly, une valse composée un an auparavant par Walter Gross sur des paroles de Jack Lawrence. Contrairement à ce que craignaient au départ ses producteurs qui considéraient cette ballade comme médiocre, Tenderly sera l'un des premiers grands succès de Sarah Vaughan sur le label Musicraft, et le morceau deviendra également plus tard un standard du Latin Jazz. La chanteuse le réenregistrera en 1958. Elle en donnera aussi une version d'anthologie dans son fameux concert de Tivoli à Copenhague, en 1963.
U comme USA. Emblématique des Etats-Unis d'Amérique, Sarah Vaughan ? Elle a été en tout cas invitée plusieurs fois à la Maison-Blanche. D'abord en 1964 en l'honneur du Premier ministre japonais qui était invité par Lindsay Johnson avec lequel la chanteuse va esquisser quelques pas de danse. Jimmy Carter, quant à lui, l'invite en 1977 avec Dizzy Gillepsie pour une soirée en l'honneur du Shah d'Iran. Sarah Vaughan chantera également George Gershwin devant Ronald Reagan en 1986, trois ans après avoir reçu son premier Grammy Award pour l'album Gershwin Live ! On retiendra aussi le concert privé qu'elle a donné en 1974 pour Gerald Ford et Valéry Giscard d'Estaing lors d'un sommet en Martinique réunissant les deux présidents.
V comme Violences. Sarah Vaughan a souvent subi des maris et des managers d'autant plus violents qu'ils étaient à la fois mari et manager. Si George Treadwell, qui a contribué à lancer sa carrière, n'était pas un enfant de chœur, tout comme le trompettiste Waymon Reed avec lequel elle fut mariée de 1978 à 1981, c'est surtout l'entrée dans la vie de la chanteuse de Clyde Atkins à partir de 1958 qui a été propice à bien des tensions. En plus d'être un homme violent, ce patron d'une compagnie de taxis était aussi un charlatan dilapidant son argent au jeu. Ses dépenses excessives ont également endetté Sarah Vaughan à hauteur d'environ 150 000 dollars tandis que leur maison d'Englewood Cliffs a été saisie pour non paiement d'impôts. Leur divorce, qui intervient fin 1963, coïncide également avec la décision de la chanteuse de mettre un terme à un contrat tout autant peu fructueux avec le label Roulette Records.
W comme Whatever Lola Wants. Sur un rythme de mambo et avec derrière elle un chœur masculin, Sarah Vaughan enregistre en 1955 pour le label Mercury l'un de ses plus grands succès, Whatever Lola Wants, un morceau extrait d'une comédie musicale créée la même année et inspirée de la vie de la danseuse espagnole Lola Montès, qui fut la maîtresse du roi Louis 1er de Bavière, puis, plus tard, une vamp pour mineurs lors de la ruée vers l'or à San Francisco. Son mantra était, paraît-il, "Ce que Lola veut, Lola l'obtient"... Sarah Vaughan est accompagnée pour l'occasion par l'orchestre d'Hugo Peretti. Le morceau sera également remixé dans les années 2000, toujours avec la voix de Sarah Vaughan, par les Français du Gotan Project.
X comme XXL. On a souvent tendance à dire qu'elles trois "jazz ladies" XXL, autrement dit au-dessus du lot: Billie Holiday, Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan. La sainte trilogie des chanteuses de jazzz, en somme. En termes d'image, pourtant, la troisième de ces chanteuses n'a connu ni le parcours chaotique de la première, ni le niveau de gloire de la seconde. Sarah Vaughan est considérée en même temps par certains spécialistes comme la plus irréprochable dans sa manière de chanter jazz. D'autres évoquent à son propos une "musicienne pour musiciens". Était-elle, comme l'a écrit le journaliste Franck Bergerot, "trop heureuse, trop douée, trop charmante", la perfection technique et harmonique voilant peu à peu l'aura des grandes divas de la note bleue ? La postérité, quant à elle, ne fait pas le tri: Sarah Vaughan est bien l'une des chanteuses de jazz les plus connues au monde.
Y comme Yeux gonflés Elles et ils ont tous en effet les yeux rouges ou les yeux gonflés, comme on veut, ce 10 avril 1990, pleurant Sarah Vaughan lors de ses obsèques en l'église Mount Zion de Newark, la ville où elle est née dans le New Jersey. Il y a là sa mère, Adda, et sa fille adoptive, Deborah Paris. Egalement présents, le vibraphoniste Milt Jackson, les pianistes Tommy Flanagan et Barry Harris, ainsi que Billy Eckstine, l'un des premiers mentors de la chanteuse décédée à 66 ans des suites d'un cancer. Au-dessus du cercueil, les fleurs sont arrangées de telle manière qu'elles forment une clé de sol. La directrice musicale de l'église entonne Body & Soul, le morceau que Sarah Vaughan chantait lors du fameux concours de l'Apollo qui a lancé sa carrière. La chanteuse sera ensuite enterrée au cimetière Glendale à Bloomfield, tout près de Newark.
Z comme Zeta Phi Beta. Sarah Vaughan était membre de la sororité Zeta Phi Beta, une organisation historique de la communauté africaine-américaine à laquelle ont également adhéré les chanteuses Minnie Riperton et Dionne Warwick. Fondée en 1920 à Washington par cinq jeunes femmes de l'université Howard, surnommée la Harvard noire, la sororité Zeta Phi Beta a repris un usage en cours dans les fraternités étudiantes en prenant pour nom des lettres de l'alphabet grec. Cette organisation s'est toujours revendiquée par ailleurs comme un mouvement alliant féminisme, érudition et raffinement, tout en manifestant une réelle sensibilité aux questions sociales. Elle compte aujourd'hui plus de 100 000 membres et des centaines d'antennes agréées dans le monde entier.