Mardi 25 mars 2008 par Ralph Gambihler

4 avril 68...

Et si I Have a Dream était avant toute chose un grand standard de la soul ? C'est le journaliste et spécialiste de la Great Black Music américaine Stéphane Koechlin qui osait cette hypothèse, tout à l'heure, lorsque je l'ai rencontré pour évoquer l'ébranlement musical suscité par l'assassinat de Martin Luther King, il y a bientôt 40 ans, le 4 avril 1968...

Il est vrai que ce fameux discours de Washington était sacrément bien scandé... Luther King avait l'art de la formule. Il en possédait surtout le tempo, à l'image d'un Max Roach, batteur de son état, et qui à la fin de sa carrière, n' hésite pas à mixer les pulsations de ce fameux I Have a Dream avec ses tambours, lors d'un concert hommage au Dr King dans une cathédrale new-yorkaise. Au soir du 4 avril 68, à Memphis, le rêve est devenu cauchemar... Non loin de là, au siège de Stax Records, déjà endeuillé par Otis Redding, Isaac Hayes fonce au Lorraine Motel où Luther King vient d'être assassiné. Il laisse derrière lui un studio symbole, jusque là, d'une sublime symbiose musicale. Les musiciens blancs de Stax rentrent chez eux pour charger leurs fusils... La peur est désormais dans les deux camps...

A Boston, James Brown maintient son concert. Il demande même à ce qu'il soit télévisé. Sur les radios qu'il contrôle, il lance un appel au calme alors qu' éclatent les premières tensions inter-raciales. Lindsay Johnson l' invite à la Maison-Blanche. L' icône endosse le rôle du pacificateur, jusqu' à aller chanter pour les Gi's noirs au VietNam, ce qui ne l'empêchera pas de composer, dans la moiteur de Saïgon, le définitivement rebelle Say It Loud, I'm Black and I'm Proud... Juste avant de mourir, Martin Luther King confiait à un musicien à quel point il adorait Precious Lord, Take My Hand, que Mahalia Jackson chantera à son enterrement... Sammy Davis Jr, Diana Ross, Harry Belafonte sont également présents aux obsèques, tandis que Nina Simone chante: Why: The King of Love is Dead... Il avait vu le sommet de la montagne/ Et il savait qu'il ne pouvait pas s'arrêter/Il vivait toujours avec la menace de la mort/(...) Que va-t-il se passer maintenant que le roi de l'amour est mort?" ...

La disparition de Luther King donnera également matière, deux ans plus tard, au déchirant Crying in the Streets, de George Perkins et ses Silver Stars, tandis que Marvin Gaye reprend, la même année, Abraham, Martin & John, mémorial groupé en hommage à Lincoln, Kennedy et Luther King... Stevie Wonder ferme la boucle 10 ans plus tard avec son Happy Birthday qui sera déterminant pour que les Etats-Unis consacrent un jour férié à Luther King. Je n'ai pas trouvé trace, en revanche, d'un tribute to Martin Luther King d' Aretha Franklin ou de Ray Charles... Leur sensibilité, leurs actes et leurs engagements laissaient pourtant présager un hommage particulier sur le plan musical après la tragédie de Memphis, surtout de la part de quelqu'un comme Ray Charles, qui finançait largement le mouvement des droits civiques aux Etats-Unis.

À l'approche des 50 ans de la mort de Martin Luther King