Jeudi 8 mars 2012 par Ralph Gambihler

38 témoins

Une mise en scène captivante, mais un propos auquel on a du mal à adhérer... Avec "38 témoins", Lucas Belvaux dénonce une lâcheté collective: un meurtre atroce est commis en pleine nuit, au pied d'un immeuble dont aucun résident n'a jugé bon d'intervenir, ne serait-ce qu'en appelant la police. Yvan Attal incarne l'un de ses 38 locataires sauf que lui, contrairement à ses voisins, préfère soulager sa conscience pour le meilleur et surtout pour le pire.

Librement adapté d'un roman de Didier Decoin, le film peine à nous embarquer dans sa problématique morale, ne serait-ce qu'au regard d'une interprétation inégale (Yvan Attal plombé et plombant, Sophie Quinton transparente, seule Nicole Garcia donne véritablement chair à son personnage de journaliste fouineuse)... C'est surtout le rapport du cinéaste avec ses personnages et la façon dont il les dessine qui sont source de malaise. Lucas Belvaux condamne ses 38 -ou plutôt ses 37- témoins silencieux sans même daigner entrer dans leur univers.

Caricatural et moralisateur, le propos fait plus penser à André Cayatte qu'à Fritz Lang. Quel style, en revanche ! Avec Le Havre comme décor (rien à voir avec la scénographie carton-pâte d'un Kaurismaki), Lucas Belvaux s'immerge dans une langueur portuaire qui suinte à chaque plan. C'est dans le rendu de cette atmosphère d'engourdissement qu'on perçoit au mieux, finalement, la décomposition du lien social qui préoccupe tant le cinéaste...

Point d'orgue du récit,  la scène de la reconstitution du crime nous rappelle avec brio que Lucas Belvaux, auteur il y a quelques années d'une trilogie (Un couple épatant – Cavale – Après la vie) qui n'a pas connu le succès qu'elle méritait, peut atteindre des qualités d'écriture qui en font un réalisateur passionnant à suivre.

38 Témoins, Lucas Belvaux (Sortie en salles le 14 mars)